Peili Guo, la gérante du restaurant Osaka, en compagnie de son avocate Me Brigitte Tanauji-Dahan. Son compagnon a été tué de plusieurs coups de couteau portés par le chef cuisinier de l’établissement.
Prostré dans le box des détenus, le chef cuisinier qui travaillait dans un restaurant japonais de Nice, n’a pas vraiment expliqué son geste meurtrier
«Je m’excuse d’avoir donné la mort. Mais je ne voulais pas tuer mon patron… » Devant la cour d’assises des A.-M., Qing-Long Li, cuisinier de 35 ans au front dégarni, baisse la tête, quand il ne la tient pas enfouie dans ses mains à hauteur des genoux.
Enfermé dans une sorte de repli intérieur, accentué par une totale méconnaissance de la langue française obligeant un interprète à l’assister en permanence, il ne varie pas un instant de cette attitude d’apparente soumission. Ne levant même pas les yeux sur son épouse qui témoigne en sa faveur, des sanglots dans la voix.
Issu d’une famille pauvre d’agriculteurs chinois, Li, en tee-shirt et blouson, est entré clandestinement en France en 2001. Pour rallier Paris, il aurait versé 15 000 euros à un passeur, somme empruntée à des proches et qui, majorée des intérêts, n’est toujours pas remboursée.
Il n’a jamais vu son fils de 9 ans resté en Chine et a dû attendre 2004 pour retrouver, le temps d’un week-end, sa femme qui venait d’arriver dans la région de Milan où elle occupe un poste peu qualifié en usine.
L’embauche en juin 2009 de Li dans un restaurant japonais de Nice, avec un salaire mensuel de 2 000 euros, aurait constitué une embellie, si les relations ne s’étaient vite dégradées avec le couple gérant l’établissement Osaka, situé dans la rue Dalpozzo.
« J’étais méprisé, insulté. On me répétait que je resterais toujours un petit salarié. Outre la cuisine, j’ai dû bientôt m’occuper de la plonge ». « Il effectuait le boulot de trois personnes », renchérit l’épouse.
Avec un couteau à découper le poisson
Après sa démission le 16 août 2009, Li ne peut obtenir le versement immédiat du reliquat de 15 jours, soit 1 000 euros dont il a absolument besoin pour vivre et éponger des dettes. Est-ce la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? À l’issue d’une discussion orageuse, Li frappe Jiang Haoxin, 29 ans, à quatre reprises avec un long couteau à découper le poisson. « Une des plaies profondes au cœur, précise le médecin légiste Gilles Suquet, a conduit rapidement au décès de la victime ».
Mais la colère du chef cuisinier ne retombe pas pour autant. Poussé à l’extérieur de l’établissement, il essaie d’y revenir pour s’en prendre, cette fois-ci, à la gérante, Peili Guo. Sans parvenir à forcer la porte.
« Son visage était plein de haine », se souvient un employé de l’Osaka. À l’invite de clients de restaurants voisins ameutés par les hurlements, il finit par abandonner le couteau. Et de la violence extrême, bascule dans un état d’abattement.
Loin de s’enfuir il attend la police
« Il n’a pas cherché à fuir », confirme à la barre un éditeur. « À l’arrivée de la police, il s’est dirigé vers elle les mains en avant, à la rencontre de menottes », ajoute un gérant de société.
En garde à vue, un brigadier-chef le sent ultérieurement « choqué et écrasé par ce qu’il vient de commettre ». à la recherche d’explications cohérentes, le président Thierry Fusina tente de franchir la double barrière de la culture et de la langue. « Pour à peine 1 000 euros, mais surtout pour avoir été humilié devant votre épouse. Pour avoir, en clair, perdu la face, vous avez ôté une vie… »
Li, qui a refusé de refaire les gestes lors de la reconstitution, n’en dit pas davantage. Il se contente de répéter « qu’il a perdu la tête… »
Source : Nice-Matin