Séismes: menace sous les Pyrénées ?Séismes: menace sous les Pyrénées ?
Haïti, le 12 janvier 2010, le Japon le 11 mars, et, enfin, Lorca,
chez nos voisins espagnols, mercredi dernier : les tremblements de terre
mortels ne cessent d'occuper l'actualité, depuis un an. Dans une région
comme la nôtre qui borde la chaîne des Pyrénées, les scientifiques sont
toujours à l'affût d'un risque sismique majeur. Car il existe bien un «
risque objectif de séisme d'une certaine ampleur, même s'il ne sera
jamais aussi grand qu'au Chili, en Indonésie ou en Haïti
[…] Cela étant il y aura certainement un très gros séisme un jour, comme
celui de 1660 en Bigorre », met ainsi en garde Matthieu Sylvander,
sismologue à Toulouse.
Arette en 1967En effet, la mémoire de violents tremblements de terre est toujours
présente ici : on se souvient du séisme d'Arette (Pyrénées-Atlantiques),
le 13 août 1967, d'une magnitude de 5,3 sur l'échelle de Richter,
probablement le plus important avec celui de Lambesc (Bouches-du-Rhône)
depuis 1909. Plus de soixante communes autour d'Arette avaient tremblé,
près de 2 300 immeubles avaient été touchés et l'on avait déploré un
mort. Les Pyrénées sont donc une zone sous surveillance. Quarante
stations sismologiques sont dispersées équitablement entre les versants
français et espagnol. « Ce réseau de surveillance permet de localiser
environ 600 séismes par an. Mais parmi ceux-ci, seulement une vingtaine
est ressentie par la population », reconnaît Annie Souriau, sismologue
au CNRS et responsable de l'équipe.
L'histoire des séismes se confond avec un mouvement perpétuel. «
L'écorce terrestre n'est pas homogène. Elle est constituée de plaques
qui flottent à la surface et qui dérivent en se frottant les unes contre
les autres. Le moteur qui est à l'origine de ces mouvements est le
phénomène de convection qui se produit à l'intérieur du manteau
terrestre. L'intérieur de la Terre est composé de roches faiblement
radioactives dont la désintégration produit de la chaleur », expliquent
les géologues.
12 grandes plaques sur TerreC'est ce mouvement, appelé tectonique des plaques, qui donne lieu à
la dérive des continents telle qu'elle a été définie par l'astronome et
météorologue allemand Alfred Wegener (1880-1930). Une hypothèse
confirmée depuis 30 ans par des observations géophysiques. La plus
flagrante est sans nul doute la découverte de l'existence de bandes dans
les planchers océaniques, « marquées » par un champ magnétique dirigé
alternativement vers le Nord et vers le Sud. Il y a en gros 12 grandes
plaques tectoniques à la surface de la Terre. Les « chocs » des plaques
les unes contre les autres sont l'origine des tremblements de Terre. Une
des conséquences très importante de ce qui précède ces chocs est que
ces séismes ne se produisent pas n'importe où mais uniquement le long
des frontières entre les plaques. Le cas de l'Espagne est symptomatique
de ces effets de dominos. Le pays est traversé par une importante faille
située dans la plaque euro-asiatique (voir ci-dessus), mais ce serait
la plaque africaine, qui avance de 1 à 2 cm par an vers le Nord, à
l'origine du phénomène.
Le séisme de Lorca (Espagne), mercredi, nous rappelle que le risque
sismique est toujours présent dans la chaîne des Pyrénées, sous
surveillance.
Le chiffre : 12 %des constructions > Endommagées à Lorca. C'est la part des dégâts
enregistrés après le séisme de Lorca (sud-est de l'Espagne) sur les
constructions de la ville. Le séisme a fait neuf morts mercredi, selon
un bilan provisoire et des milliers de sans-abri.
le cas de LourdesLourdes, deuxième ville hôtelière de France, a été partiellement
détruite par des tremblements de terre à deux reprises, en 1660 (séisme
d'intensité IX à une vingtaine de kilomètres de Lourdes), et en 1750.
L'Observatoire Midi-Pyrénées (OMP) a conduit une étude pour évaluer la
réponse des sols, au cas où un séisme semblable à ces séismes
historiques viendrait à se reproduire aux portes de cette ville dotée
d'un plan de prévention des risques sismiques.
expert« Tensions aussi dans les Pyrénées»Lorca, un séisme de magnitude 5,1. C'est un niveau faible par rapport au Japon. Et pourtant, quels dégâts !
En Asie du Sud-est, les plaques se déplacent très vite, générant des
amplitudes plus fortes. En Méditerranée, les failles sont en général
plus petites. C'est pourquoi, les séismes ne dépassent pas 7 à 7,5 de
magnitude. S'il y a beaucoup de dégâts, c'est parce que la ville de
Lorca se trouve juste au-dessus de la cordillère Bétique qui déverse
tantôt vers le Maroc, tantôt vers l'Espagne. Toute cette zone est très
sensible. Quand la faille africaine remonte, elle compresse l'Espagne,
qui compresse à son tour les Pyrénées, puis l'Angleterre…
Les tensions se reportent donc de bloc en bloc ?
Exactement. Chaque fois que l'Afrique remonte, de l'ordre de 1 à 2 cm
par an, les tensions se transmettent. Le continent africain a
certainement poussé l'Espagne, laquelle pousse ensuite vers les
Pyrénées, autre ligne de faiblesse. Raisonnablement, il faut s'attendre à
des tensions supplémentaires dans la chaîne montagneuse ces prochains
mois ou ces prochaines années. Mais, la faille traversant toutes les
Pyrénées, on ne sait où s'exercera la tension la plus forte. Certes,
nous sommes habitués aux séismes dans les Pyrénées, mais, cette fois, ça
peut être un peu plus fort et plus rapide que prévu.
Comme au Japon, l'Espagne compte aussi des centrales nucléaires situées sur des zones sismiques ?
L'erreur que je n'ai pas cessé de dénoncer, étant spécialiste de
l'Asie du Sud-est, c'est d'avoir construit la centrale de Fukushima au
bord de l'eau avec des risques de tsunamis et des vagues de 24 mètres.
En Espagne, seule la centrale de Vandellos, au sud de Tarragone, a été
installée près de l'eau. Si le séisme de Lorca s'était produit en mer,
il y aurait sans doute eu un tsunami, arrêté toutefois par la barrière
des Baléares. Pour le reste des centrales espagnoles, on peut espérer
qu'elles sont aux normes prescrites antisismiques !
ReportageÀ Lorca, des milliers d'espagnols jetés à la rueÀ Lorca, la mort est venue du ciel sous la forme d'une pluie de
pierres, de briques et de tuiles. Trois jours après les deux
tremblements de terre, les habitants sont encore sous le choc. Ramon
Padilla, 66 ans raconte : « Je ne souhaite à personne de vivre ce drame !
La première secousse m'a surpris à 17 h 05, alors que j'étais dans mon
appartement avec mes deux petites filles. J'avais l'impression que
j'étais sur une barque avec des vagues immenses qui ne s'arrêteraient
jamais… Tout bougeait, les lampes et meubles tombaient au sol… Quel
enfer ! Mes petites filles pleuraient et criaient… Jamais je n'oublierai
un tel chaos. J'en pleure encore tous les jours ! ». Même traumatisme
et même angoisse chez Angel Ortuzar, électricien de 41 ans : « Les 9
secondes du premier tremblement de terre m'ont paru interminables. Mais
la deuxième secousse, 1 h 45 plus tard a été encore plus forte… J'ai
ressenti la sensation d'une explosion nucléaire, un bruit assourdissant
». Passées les premières heures d'affolement et de panique à redouter
une nouvelle réplique, les habitants de Lorca essaient - tant bien que
mal - de reconstruire leur quotidien mis à mal par la colère de la
Nature. Hier, les damnés du séisme attendaient patiemment l'avis formulé
par les architectes dépêchés sur place pour inspecter l'étendue des
dégâts. Le droit (ou non) de revenir à leur domicile dépend d'une
peinture de couleur apposée par les militaires sur les murs des
bâtiments. Il y a 3 possibilités : un cercle vert, signifie que la
maison est habitable (47 % des maisons inspectées), un cercle jaune (36
%) dénote la présence de dommages sérieux qui pourront être réparés.
Enfin, un cercle rouge (17 % des cas) indique la présence de dommages
structurels qui empêchent le retour des habitants. Cela signifiera, dans
certains cas, la démolition pure et simple de l'édifice. L'appartement
de Ramon Padilla, au numéro 23 de la rue San Quitería fait partie de la
troisième catégorie. Ramon est désemparé : il ne sait pas s'il pourra un
jour y revivre. « Je n'ai pas respecté l'interdiction de pénétrer dans
mon immeuble, j'avais des documents très importants et de l'argent en
liquide, alors je suis rentré aujourd'hui dans ma maison, même si c'est
illégal ». Et Ramon de raconter les meubles jetés au sol, le plâtre et
la peinture qui jonchent le sol et les fissures gigantesques les murs de
son salon : « Des fissures dans lesquelles je peux faire passer mon
bras ! » raconte-t-il atterré. La polémique enfle ici quand on fait le
bilan des effondrements. Angel est amer : « Mon immeuble avait seulement
4 ans d'ancienneté et il a été totalement dévasté, alors que je n'avais
même pas fini de payer mon appartement. Juste à côté, un bâtiment qui
date des années 1960 a parfaitement tenu le coup » rage Angel. « Cela en
dit long sur la qualité de la construction qu'on m'a vendue » ! Se
reloger devient un casse-tête pour beaucoup, Maria Gonzalez, 48 ans,
s'indigne : « Le maire annonce à la télévision, que les personnes sans
logement sont prioritaires, mais je reviens de la mairie où, après avoir
attendu plusieurs heures dans une file d'attente interminable, on
m'annoncé qu'il n'y avait pas de logement d'accueil pour moi et ma
famille ». Et de surenchérir : « Et je ne vous parle pas de ma compagnie
d'assurance qui fait la sourde oreille depuis jeudi matin ! ». Un
problème de logement qui est encore plus sensible chez les quelque 13
000 immigrés qui ne savent pas où aller. Si les habitants de Lorca ont,
dans leur majorité, quitté la ville pour se rendre dans une résidence
secondaire, chez des amis ou de la famille, les immigrés (en majorité
équatoriens et marocains) déambulent eux dans la ville sans savoir où
aller. Ils sont ultra-majoritaires dans le campement de fortune installé
par la mairie. Sans travail, sans maison et sans proches sur lesquels
s'appuyer, la situation des immigrés à Lorca est aujourd'hui dramatique.